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Trauma et commotions

S’entraîner par la pensée pour récupérer d’un AVC : explications sur le neurofeedback 

Le centre Brain Moove utilise, entre autres, différentes techniques de neurofeedback pour renforcer la plasticité cérébrale chez les patients cérébrolésés, notamment post AVC.
Qu’est-ce le neurofeedback ? explication du Dr Simon Butet du CHU de Rennes (site Neurodiem)

S’entraîner par la pensée pour récupérer d’un AVC : explications sur le neurofeedback 

 Dr Simon Butet Service de médecine physique et de réadaptation, CHU de Rennes, Rennes, France 

Publié le 17 nov. 2020

L’accident vasculaire cérébral (AVC)

Il s’agit de la première cause de handicap sévère acquis de l’adulte dans les pays industrialisés. Nous recensons actuellement environ 500 000 personnes vivant en France avec des séquelles d’AVC1. Si la majorité des patients récupèrent leur capacité à marcher, le contrôle de la motricité du bras et de la main reste souvent altéré et diminue fortement leur autonomie. La rééducation « traditionnelle » après AVC consiste à favoriser la récupération motrice en mobilisant les membres, mais a un succès limité au membre supérieur. Avec les progrès technologiques, notamment en traitement du signal cérébral, de nouvelles méthodes de rééducation par interfaces cerveau-ordinateur voient le jour et peuvent aider à restaurer une commande efficace entre le cerveau et les membres2.

Plasticité cérébrale après un AVC

À la phase chronique après un AVC, il est encore possible d’espérer une amélioration du contrôle du membre supérieur grâce à la réorganisation des cartes sensori-motrices cérébrales.

Ces mécanismes de plasticité cérébrale qui sous-tendent la récupération motrice sont de mieux en mieux compris, grâce notamment au développement de l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Rapidement après l’AVC, nous observons une augmentation des activations contro-lésionnelles et une diminution des activations dans le cortex lésé. En cas de bonne récupération, plusieurs mois après l’AVC, nous assistons à une relatéralisation des activations du côté ipsilésionnel, un rééquilibre. L’utilisation persistante d’un réseau de compensation controlatéral à la lésion se traduit par une récupération de moins bonne qualité.

Cette plasticité cérébrale, qui sous-tend la récupération de la motricité post-AVC, intervient à force d’entraînements intensifs et orientés vers des tâches spécifiques de préhension. Cependant, il ne s’agit pas forcement de tâches motrices, elles peuvent aussi être cognitives. Les sportifs de haut niveau et les musiciens utilisent ce type d’entraînement régulièrement. Ils s’entraînent en imaginant et en répétant par la pensée les gestes qu’ils doivent faire et améliorent ainsi leurs performances. C’est ce qu’on appelle l’imagerie mentale.

Le neurofeedback : observer et modifier la plasticité cérébrale

Si les premières études en neurofeedback EEG datent des années 1970, une révolution dans le domaine s’opère depuis environ 10 ans avec de nets progrès des techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) notamment3. Différentes méthodes permettent de visualiser l’activité cérébrale d’un individu en temps réel lors d’une tâche d’imagerie mentale. L’électroencéphalographie (EEG) et l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) sont les plus couramment utilisées, mais l’oxymétrie cérébrale ou NIRS (Near-infrared spectroscopy), ainsi que la magnétoencéphalographie (MEG) présentent également des avantages.

Lors d’un entraînement de la motricité par la pensée, nous pouvons donc observer, enregistrer, et faire un retour, un « feedback » au patient de ce qu’il se passe dans son cerveau en temps réel. Il peut ainsi progressivement apprendre à stimuler des zones spécifiques de son cerveau, les plus favorables à sa récupération. C’est le principe du neurofeedback (Fig. 1). Une seule ou plusieurs de ces méthodes (couplées ensembles) d’enregistrement de l’activité cérébrale peuvent être utilisées afin d’informer au mieux le patient sur ces activations cérébrales et de lui faire un retour sur celles-ci. Ce retour est ce qu’on appelle la « métaphore » du neurofeedback, il peut prendre différents aspects, d’une simple jauge (qui monte si le patient active les zones ciblées et qui descend s'il s’en éloigne), à des métaphores plus complexes avec des retours sensoriels (auditifs, haptiques…). Le patient doit alors adapter son comportement en fonction du retour. C’est un entraînement en « boucle fermée », un conditionnement opérant, qui permet au médecin de guider le patient vers une augmentation de l’activité cérébrale dans les zones ciblées.

Figure 1 - Principe du neurofeedback.

Quelles cibles choisir ?

C’est l’une des questions principales pour le clinicien. Pour ce qui concerne la motricité après un AVC, le cortex moteur primaire ipsilésionnel semble être la cible de choix pour les patients avec un bon potentiel de récupération. Pour les patients plus sévèrement atteints, les aires prémotrices et l’aire motrice supplémentaire sont plus indiquées. Cependant, les résultats d’études récentes vont dans le sens d’une approche très individualisée, multi-cibles et adaptative en fonction des progrès des patients, afin d’obtenir les meilleurs résultats chez ces patients victimes d’AVC4.

Ainsi, comme on l’observe sur la figure 2 extraite de l’une de nos études4, ce patient avec un AVC profond dans l’hémisphère droit avait peu d’activation ipsilésionnelle avant l’entraînement (coupes IRMf en haut, contours orange) et récupère des activations du côté de sa lésion après un entraînement sur une semaine en neurofeedback (coupes IRMf en dessous, contours vert). Ces modifications s’accompagnaient de progrès de sa motricité.

Figure 2 - Cartes d’activation d’IRMf montrant l’évolution des activations cérébrales chez un patient au cours d’un entraînement en neurofeedback bimodal après un AVC4.

Conclusion et pratique clinique

Le neurofeedback après un AVC n’est pas encore de la pratique courante dans les services de médecine physique et de réadaptation. Si plusieurs essais randomisés contrôlés positifs ont déjà été publiés, le nombre total de patients inclus et le niveau de preuve reste encore bas. Au CHU de Rennes, nous avons mis au point une étude proposant un protocole d’entraînement intensif comprenant des séances bimodales (neurofeedback avec IRM fonctionnelle et EEG) et des séances unimodales (neurofeedback EEG seul) sur 5 semaines. Les inclusions sont en cours et les résultats devraient être disponibles à l’horizon 2022.

Références

  1. Schnitzler A, Woimant F, Tuppin P, de Peretti C. Prevalence of self-reported stroke and disability in the French adult population: a transversal study. PloS One 2014 : e115375.
  2. Cervera MA, Soekadar SR, Ushiba J et al. Brain‐computer interfaces for post‐stroke motor rehabilitation: a meta‐analysis. Ann Clin Transl Neurol 2018 ; 5 : 651-63.
  3. Wang T, Mantini D, Gillebert CR. The potential of real-time fMRI neurofeedback for stroke rehabilitation. Cortex 2018 ; 107 : 148-65.
  4. Lioi G,  Butet S,  Fleury M et al. A multi-target motor imagery training using bimodal EEG-fMRI Neurofeedback: A pilot study in chronic stroke patients. Front. Hum. Neurosci 2020 ; 14 : 37.

Article posté le 25/11/2020


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